L'UTILITARISME DE TRUMP

 



Eut lieu donc vendredi le 28 février à la Maison-Blanche une rencontre entre le Président Trump et Volodymyr Zelensky, le Président de l’Ukraine, afin de parafer une entente de cessez-le-feu dans la guerre opposant depuis trois ans l’Ukraine à la Russie. La rencontre dégénéra en engueulade de sorte que le Président ukrainien quitta abruptement la Maison-Blanche mettant automatiquement fin à toute entente en vue de la paix. Le Président Trump blâma alors Zelensky de ne pas vouloir la paix en refusant de signer l’entente élaborée entre-temps par le Président Trump avec son homologue russe Vladimir Poutine.

Je ne souhaite pas ici revenir sur les différents points de l’altercation mettant au prise le Président Trump, J.D. Vance, vice-président des États-Unis, d’une part, et le Président Zelensky, d’autre part. Il en est abondamment question dans les médias. Je veux simplement mettre en lumière les conceptions philosophiques qui paraissent être au cœur de ce différend.

Tout le monde le reconnaît, Donald Trump est un négociateur dans l’âme. Dans le cas de la guerre en Ukraine, il déplore le grand nombre de pertes de vie de part et d’autre, chez les Russes en particulier comme chez les Ukrainiens. Aussi, ce qui importe aux yeux de Trump, c’est le trop grand nombre de morts que le conflit a jusqu’ici engendré. Question : à partir de quand un nombre de morts devient inacceptable ?

Pour un adepte des droits de l’Homme comme l’est Zelensky ainsi que ses alliés européens, un mort, c’est déjà un mort de trop. Les êtres humains sont dotés d’une dignité intrinsèque. C’est pourquoi, même si les soldats russes décédés sont plus nombreux que les soldats ukrainiens, il faut que cesse les hostilités. En outre, du point de vue de Zelensky, l’agresseur doit être punit, non pas en raison du nombre de vies éliminées, mais du simple fait que la Russie est l’initiatrice de pertes de vie. C’est ce qu’a rappelé le Président français, Emmanuel Macron : « Dans ce conflit, ne l’oublions pas, », a-t-il déclaré, « il y a l’agresseur – la Russie -, et la victime – l’Ukraine. » C’est-à-dire, peu importe le nombre de vies perdues dans le conflit, de part et d’autre, les Russes, les premiers, ont porté atteinte à la dignité humaine des Ukrainiens, ce qui est inexcusable et injustifiable. Il faut donc que la Russie soit tenue criminellement responsable de la perte de la dignité humaine. Aussi, le Tribunal international attend de pied ferme la Russie. C’est exactement ce que le Président Ukrainien a fait valoir à la Maison-Blanche : les Russes, les premiers, ont porté atteinte à la dignité humaine et, en ce sens, ils méritent d’être sanctionnés. Là-dessus, il n’est pas question de négocier quoi que ce soit. C’est l’argumentaire de fond du Président Zelensky - ainsi que celui des dirigeants de l’Union Européenne. Trump n'a rien compris de l'enjeu.

Au fond, le différend entre Zelensky et Trump est celui connu en philosophie entre les adeptes des Droits de l’Homme compris comme étant ‘inaliénables’, et les adeptes de l’Utilitarisme qui, avec Jeremy Bentham et John Stuart Mill, les deux principaux concepteurs de l’Utilitarisme, soutiennent que le bien ou le juste est fonction de l’accroissement du bonheur général. Cela signifie que, pour un utilitariste, si, pour accroître le bonheur du plus grand nombre de gens, je doive me priver de mon propre bonheur, c’est ce qu’il convient que je fasse.

Le Président Trump ne peut en aucune manière concevoir que les Ukrainiens ne négocient pas la paix avec leurs agresseurs russes. Rien n’est à négocier, point à la ligne, soutient Zelensky. Trump accuse donc Zelensky de fomenter rien de moins que la Troisième Guerre Mondiale, et d’être un dictateur.

Dernier point. Trump et Poutine se ressemblent - c'est d'ailleurs pourquoi ils se rassemblent. Ce sont deux personnages imprévisibles. Ils peuvent changer d’avis tout à coup après coup . Zelensky le sait trop bien. C’est pourquoi il ne leur fait pas du tout confiance. L’entente Trump-Poutine est très volatile. Dans la conception ‘inaliénable’ des droits de l’Homme, le marché proposé par Trump est inacceptable parce que foncièrement injuste. Le Trump-négociateur est tout simplement immoral.

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