Épidémie psychique
La
psychose n’est pas qu’individuelle. Elle peut être aussi sociale. Je suis
d’avis que les gestionnaires gouvernementaux de la crise sanitaire au Québec,
les Legault, Dubé et Arruda, entrent dans une phase nettement psychotique. Une
perte de repère de la réalité. Le récent recul du ministre de la Santé,
Christian Dubé, concernant la menace de suspendre sans solde les travailleurs
de la santé non adéquatement vaccinés, apparaît comme un geste de panique
soudain confronté à une réalité de pénurie d’infirmiers-infirmières dans le
système de santé qu’il s’entêtait jusqu’à la dernière minute à nier. Cette
volte-face est typique de ceux qui nient la réalité après avoir sombré dans la psychose.
Le moi conscient, l’égo, connaît fort bien la réalité, mais il se refuse par
ailleurs à la reconnaître. D’où la dissociation typique de la psychose.
Ceux et celles qui connaissent le psychanalyste Carl Gustav Jung (1875-1961), qui ont lu en particulier l’essai percutant Présent et avenir, publié en 1957, reconnaîtront la psychose sociale minant le Québec actuel. Le premier chapitr
e, intitulé « L’individu menacé par la société » évoque à s’y méprendre la situation sociale du Québec d’aujourd’hui confrontée à la pandémie du coronavirus ainsi qu’à ses variants.
L’État,
mobilisé par la raison d’État, vise le bien-être commun, le bien-être
collectif, le bien-être de la masse, au détriment du bien-être individuel de
chacun. La raison d’État carbure au rationalisme, dont la science est le
porte-étendard. Par conséquent, tout ce qui ne cadre pas avec la science est
rejeté parmi les déchets de l’irrationalisme. Aussi ceux et celles qui ne se
soumettent pas aux diktats de l’État sont taxés d’illuminés (voir la
chronique de Richard Martineau, « La victoire des coucous », Journal de
Montréal, 14 octobre 2021).
D’après
le rationalisme en vogue aujourd’hui, surtout depuis la pseudo pandémie, nous
serions tous semblables, identiques, de fort belles abstractions, des êtres
humains « identiques » taxonomiquement parlant. Le vaccin est universel, bon
pour tous, et si nous le refusons, nous serions individualistes, d’indécrottables
égoïstes, anti-sociaux, anti-altruistes.
Jung
s’est férocement opposé à toute politique collectiviste de l’État. En tant que
médecin sa «...tâche est de soigner un homme malade et non pas une maladie
abstraite dont n’importe qui serait le porteur. » La science médicale se fiche
bien de qui nous sommes, de notre histoire personnelle, etc. Nous ne serions
qu’une statistique, une moyenne. « La mort », se plaisait à dire Lénine,
« n’est qu’une statistique. »
Depuis
René Descartes, marquant l’aube de la science (médicale) moderne, le corps est
tenu distinct de l’âme. C’est le dualisme. La science étudie le corps sans l’âme.
Le postulat de l’objectivité de la science y oblige, car l’âme plonge
soi-disant dans la détestable subjectivité. En fait, la science aujourd’hui adopte
matérialisme méthodologique, à savoir que tout phénomène naturel est
susceptible de se réduire au comportement de la matière, l’esprit étant tenu
comme une illusion. On entend alors « ce n’est rien d’autre que... ».
Les
adeptes que nous sommes devenus de la science et du matérialisme s’autorisent à
se contreficher des réserves que certains adoptent vis-à-vis la vaccination.
Comme le dit si clairement le chroniqueur Richard Martineau, ceux-ci sont des illuminés,
des irrationnels, des « capotés », qui sont la honte de la science
moderne et de sa civilisation. Ce sont des attardés, de misérables ignorants.
Ce
qui est inquiétant, ce n’est pas tant le coronavirus, que le fait que nous ayons
pour la plupart avalé jusqu’à la lie la logique de la science moderne promue
par les autorités. Nous ne sommes pour eux que des pions.
La
connaissance médicale, comme le soutenait Descartes, constitue une progrès
pour l’humanité, car ces connaissances sont « fort utiles à la vie »; qu’il convient
de ne pas les tenir cachées « sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige
à procurer, autant qu’il est en nous, le bien général de tous les hommes.
»[1] Ici, ce n’est pas le bien
individuel qui prévaut, mais le bien abstrait commun, comme l’enseigne d’ailleurs
la morale utilitariste.
C’est
donc l’éthique utilitarisme qui est au cœur de l’usage de la science; en
particulier, dans la gestion gouvernementale de la crise sanitaire.
Ne
pas être en accord avec l’éthique utilitariste, est-ce être illuminé ?
Quoi
qu’il en soit, l’État se fiche bien de comprendre les gens qui ne veulent pas
se faire vacciner. De leur raison, de leur peur, de leur inquiétude, de leur
angoisse, etc. Pour ma part, ce n’est pas tant l’incertitude quant aux effets à
long terme du vaccin qui me font hésiter, mais l’éthique utilitariste elle-même
que promeut l’État. Avec Jung, je m’oppose à cette éthique profondément débilitante.
Pendant
des années, j’ai enseigné l’Utilitarisme au collégial. Contrairement à la
morale déontologique de Kant, l’Utilitarisme vise le bien-être général, même si
cela doit porter atteinte à la dignité des personnes. Au fond, l’Utilitarisme
est la morale étatique par excellence. C’est sur elle que tombent sans trop le
réaliser les coups de butoir de Jung.
L’épidémie
psychique dont parle le psychologue suisse est justement, d’après moi, ce mouvement
moderne qui néglige l’individu au profit du bien-être général. Comprenons bien ce
que signifie ce dont il est question dans le « bien-être général » : il s’agit
d’une somme, d’une certaine quantité, d’une majorité, d’une « masse », etc.
La
névrose dont je parlais au tout début est celle d’une idéalité, d’une fiction. Celle
du bien-être général. Pas forcément de moi ou de toi, mais d’une
majorité abstraite de gens (le fameux ‘50 + 1’). Le concept de bien-être général
génère une dissociation, une division, entre le moi-même et le celui de tous
les autres. Tant que je chercherai à être comme tout le monde, je ne serai
jamais moi-même.
Il
ne faut pas considérer la psychose comme une maladie dont il faudrait
absolument se prémunir et se guérir à tout prix. Cet état psychique parle concrètement
de nous-même; un état de dissociation psychique à laquelle il convient de
prendre acte afin de se réunifier.
C’est
alors que surgit le Soi intégrateur. Le Christ intérieur. Mais celui-ci est
tellement galvaudé aujourd’hui, qu’Il en est devenu ridicule. N’empêche que le
Christ représente en chacun de nous un réconciliateur, un réunificateur.
La
CAQ a foutu au dehors de l’Assemblée nationale le crucifix. C’est son choix. Le
choix de l’État. Il ne faut pas s’en étonner outre mesure. Car l’État est une
abstraction vide de sens. On en a fichtrement mare de tout ce cirque.
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