Legault nous ressert le bouc émissaire
Le
premier ministre a lancé en son point de presse sur la démission d’Horacio
Arruda une bombe politique : taxer les non-vaccinés. Exaspéré par ceux-ci,
ce 10% de la population non-vaccinée qui enfile semble-t-il 50% des hospitalisations,
le premier ministre sort d’on ne sait où son bazooka pour punir cette tranche
de la population pour les exclure du contrat social convenu, à savoir que tous
ont droit à des soins de santé, indépendamment de leur situation sociale ou
économique. Il s’agit, à n’en pas douter, d’une crise de sortie de crise, totalement
anti-démocratique.
Qu’est-ce
donc qui motive cette mesure politique renversante, ahurissante ? Comme je le
disais, une sorte de crise dans la crise. Un ras-le-bol complet. Il paraît
impossible d’obliger les non-vaccinés à se faire vacciner. D’autre part, cette
« vermine » ronge les lits d’hôpitaux. La population vaccinée en a carrément
mare d’eux rejetant la société dans les affres sans fin de la covid. Il
convient dès lors, pense notre bon premier ministre, de faire payer la note à
ces cancres sociaux. Nous aboutissons ainsi dans la « logique » du bouc
émissaire.
Le
penseur des religions, René Girard, a thématisé la profondeur sociale et
religieuse du bouc émissaire.[1] L’argumentaire est
relativement simple. D’abord, l’être humain vit en société. C’est un être en
partie social. Or vivre en société implique le phénomène de la mimésis, de l’imitation. Imitation de quoi ? Imitation de ce que l’autre possède. Ce phénomène
de mimétisme est contagieux, bien plus que le virus. Chacun imite
l’autre en désirant acquérir ce que l’autre possède. Petit à petit, il se
constituera des groupes rivaux qui s’entretueront. De cette guerre lasse, tous
chercheront une victime unanime, car, sinon, ce sera la fin de tous, de la vie
en société.
Les
gens sont en désespoir de cause. Il leur faut identifier une victime expiatoire :
le paria; le mal aimé. Celui par où tout à commencer. Pas le virus lui-même, mais ceux qui le transmettent. Nous tous en somme. Or on ne peut vouloir éliminer tout le monde. Il faut donc s'en prendre à certains d'entre nous, les pauvres, les démunis, les sans-abris, les vagabonds, etc.
Le
culte religieux marqué par le sacrifice consiste à renouveler et répéter le dit
sacrifice, car on espère qu’ainsi l’on pourra sortir du malheur qui ne cesse de
nous accabler.
«
On en est là », dit François Legault. C’est-à-dire qu’il convient de renouer
avec ces cultes antiques du bouc émissaire lorsqu'on lynchait des gens pour assurer la paix
sociale. Le culte chrétien de la crucifixion de Jésus appartient à cette série
ténébreuse de meurtres expiatoires. René Girard montre toutefois qu’avec la crucifixion
de Jésus, désirée et souhaitée par les prêtres du sanhédrin, Pilate, voire
Hérode, est assumée par la victime elle-même afin de nous faire comprendre ce
que nous faisons tous : s’acharner sur de soi-disant stigmatisés.
Nous
sommes menacés par notre propre violence, que l’on en soit ou non conscient.
Legault nous invite à replonger dans cette vieille ornière de l’humanité :
faire violence à ceux et celles qui sont différents et qui ne pensent pas comme
nous. C’est la mimésis. Tous pareils. Horreur et damnation pour le différent et
le singulier.
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