Guerre et détresse psychique
Ce jour-là le Seigneur s’en prendra muni de sa grande épée, lourde et dure à Léviathan, serpent furtif, à Léviathan, serpent difforme et il égorgera ce monstre sous-marin.
Isaïe, 27,1
Une guerre qui se déroule au loin, sur un territoire
presqu’inconnu pour nous Nord-Américains, n’a apparemment pas de chance de
perturber nos vies. Avant l’invasion de la Russie en Ukraine, la vaste majorité
d’entre nous ne nous préoccupions pas de ces populations. En intervenant de
manière aussi odieuse et innommable, la Fédération Russe est devenue un pays
détestable, condamnable sans appel.
Nonobstant l’éloignement géographique, l’invasion russe de
l’Ukraine nous trouble, atteignant les profondeurs de notre âme. Le peuple ukrainien
ne mérite pas cette aggression innommable et inique, car les raisons invoquées par le
président Poutine, dont la « dénazification » de l’Ukraine, ne tiennent
absolument pas la route. En tout cas, elles ne valent pas un tel carnage, une telle dévastation faisant fi des conventions internationales. Les
déraisons de Poutine ne traduisent qu’une peur immense, incontrôlable.
Sa sale guerre se veut une épidémie psychique, où la peur s’infiltre partout. C’est
du même ordre que la pandémie récente du coronavirus.
La peur est notre pire ennemie, non seulement dans nos
vies personnelles, mais aussi et surtout dans la coexistence internationale. Une
phrase attribuée à Nicolas Machiavel veut que : « Celui qui contrôle la
peur des hommes, devient maître de leur âme. » Donc, Poutine veut nous foutre
la peur au ventre. C’est sa tactique : il veut que nous réagissions pour
légitimer sa guerre.
La peur s’oppose à l’amour.
Le Sanhédrin condamna Jésus de Nazareth pour la même déraison :
la peur. Peur de prendre leur pouvoir sur le peuple juif. Pilate, au départ, ne vit
aucun motif de condamnation de l’énergumène prétendant être le « Fils de Dieu » ;
sacrilège pour les Juifs ; simple délire religieux pour le Romain.
Devant Pilate, Jésus aurait pu en appeler à l’armée de
ses saints anges pour le libérer et exécuter net les Romains. Il
aurait pu citer le mot du prophète Isaïe mis en exergue. Or, Jésus n’est pas
venu annoncer un Dieu Tout-puissant simplement, mais un Dieu Tout-puissant d’Amour
(agapè). L’Amour en guise de filtre réduisant l’alarme engendrée par la
peur.
Nous voudrions tous que ce que dit Isaïe se réalise
contre le Léviathan-Russe. Mais ce n’est pas là Dieu. Celui-ci apparaît impuissant
devant les abominations commises par l’armée russe contre les Ukrainiens. Dieu est
avec ceux qui souffrent. Sur la croix, Dieu est avec Jésus. Il ne l’abandonne
pas. Et Jésus crucifié de dire : « Père, pardonne-leur car ils ne savent
pas ce qu’ils font. » (Luc 23,34) C’est ainsi que la peur perd tout pouvoir.
Même devant la mort, Jésus continue d’être miséricordieux envers ses bourreaux.
Mort- où est ta victoire ?
Au plan psychique, nous nous retrouvons devant le même archétype
inconscient du Léviathan biblique. Si la mer représente l’inconscient, et le Léviathan
comme le mal sous-marin qui nous terrorise et qui nous divise dans la guerre, le
Christ, lui, représente le Sauveur en tant qu’il réconcilie, unifie, pacifie.
La peur divise ; pas l’amour. L’amour, comme dit saint Paul, « ne s’irrite
pas et n’éprouve pas de rancune ; il se réjouit du bien et de la vérité. »
(1 Corinthiens 13,5-7)
D’après le psychologue des profondeurs Carl Gustav Jung, « Le Christ illustre l’archétype du Soi. »[1] Qu’est-ce que le Soi ? Si l’espace du conscient est celui du moi, celui de l’inconscient est ordonné au Soi. Si l’on veut, le Soi est cette entité psychique de l’âme qui est le centre intégrateur, régulateur, unificateur de l'inconscient. Or, comme dit Jung, le Christ représente le Soi. Comme l’écrit de son côté saint Paul aux Galates, « ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. » (2,20) Aussi, lorsque le Soi prend pour ainsi dire les commandes de la personne, la peur disparaît radicalement laissant l’espace entier à la paix et à la concorde.
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