Aspect du drame psychique de Poutine

 


 

L’étonnement, disait Aristote, est à l’origine de la réflexion philosophique. Le bizarre, l’étrange, l’insolite, suscitent l’interrogation, et cela a du bon. La poussée fiévreuse, pour ne pas dire la névrose, d’un Poutine, prêt à tout pour contrôler l’Ukraine, laisse pantois pour le dire le moins. D’où le saugrenu de ce drame sans nom que connaît l’Ukraine – ainsi que la Russie en raison de la névrose du chef du Kremlin, Vladimir Poutine.

Le psychologue des profondeurs Carl Gustav Jung a cherché à comprendre les causes psychiques des névroses. On sait qu’il fit appelle à la notion centrale d’inconscient collectif. Dans un essai bien senti datant de 1947, Aspects du drame contemporain,[1] donc deux années après la Deuxième guerre mondiale, Jung s’interroge sur le drame de l’Europe, de l’Allemagne en particulier. Un nom revient sans cesse sous sa plume, Wotan, le dieu suprême des anciens germains. Le démon de la tempête. Le maître des orages nocturnes, représente la frénésie, la fureur. On l’appelait Wode ; en allemand moderne, on dit wüten, la rage. Adolf Hitler rédigea Mein Kampf (Mon combat, 1925) avant de prendre les rênes du parti national-socialiste. Le futur Fürher fait référence à l’ancienne mythologie germanique luttant pour la conservation du Valhalla, la forteresse des valeureux guerriers défunts, là où les attend Wotan pour la bataille finale signant le Götterdämmerung (Le Crépuscule des dieux), que Richard Wagner mettra en musique dans sa célèbre tétralogie.

En quoi cela nous renseigne-t-il sur l’inconscient collectif russe ? Rien en fait. Puisque, dans son essai, Jung ne s’intéresse qu’au cas de l’Allemagne. Pour ma part, je ne suis en aucune manière spécialiste de la mythologie slave ; je ne suis donc pas en mesure d’indiquer ce qui dans l’inconscient collectif russe oriente Poutine. Je laisse donc au connaisseur le soin de nous l’apprendre.

Cela dit, il me semble que Poutine réactive le vieux mythe grec de Cronos. On se rappellera que Cronos a châtré son père, Ouranos (le Ciel), libérant du sein de sa mère Gaïa (la Terre) ses frères et ses sœurs. Cronos détrônera ainsi Ouranos devenu impuissant. Toutefois, lui-même, redoutant que l’un de ses enfants le supplante, engloutissait chacun de ses enfants qui lui naissaient.

Il y a là, me semble-t-il, du Poutine tout craché. Le maître du Kremlin, craignant la liberté de ses « enfants », dont l’Ukraine, veut les dévorer. En faire une « bouchée » - pour ne pas dire une boucherie. La névrose de Poutine est là : croire que « son enfant » va lui faire faux-bond en ouvrant la porte à son ennemi juré l’Europe libérale et, surtout, les États-Unis. Il y a là du pur délire. Le mythe de Cronos marque, je pense, l’inconscient collectif russe. Il serait intéressant de relire l’histoire russe, à commencer par le règne des tsars, qui n’est qu’une longue litanie d’une autorité brimant systématiquement ses opposants. Staline, qui demeure un modèle pour Poutine, n’est qu’une autre figure de Cronos constellant l'inconscient collectif russe.



[1] C.G. Jung, Aspects du drame contemporain, Paris, Buschet-Chastel, 1971.

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