La « pilule » miracle des AA : l'amour prodigué par le groupe
La première Étape
des douze Étapes des Alcooliques Anonymes (AA) est centrale, fondamentale,
incontournable.
1.
Nous avons admis que nous étions impuissants devant
l’alcool, que nous avions perdu la maîtrise de notre vie.
Tout membre des AA - surtout, le nouveau membre - doit impérativement faire pour lui-même ce douloureux constat dans sa vie personnelle. Plus sincère est son constat d’impuissance radicale, plus la démarche thérapeutique proposée par les AA sera efficace et rapide.
On entend
souvent dire que l’alcoolisme est une « maladie ». Ici, il
faut être prudent. Car il ne s’agit pas à proprement parler d’une maladie au
sens clinique ou médicale du terme, c’est-à-dire d’une détérioration
physiologique dont les causes sont purement physiques entraînant une atteinte
grave et sérieuse à la santé pouvant conduire à la mort. Ce qui amène les gens
à parler de l’alcoolisme comme d’une « maladie », c’est l’impression que
l’alcoolique a perdu tout contrôle volontaire sur son bien-être et, donc, sur
sa santé, un peu comme le cancer qui, indépendamment de toute notre bonne
volonté, se développe inexorablement dans nos cellules. Dans ce dernier cas, il
s’agit de trouver un médicament qui stoppe, ou du moins atténue, le
développement de la détérioration physiologique de la santé. Or, justement, il
n’existe pas – et il ne se trouvera pas – de médicament – de « pilule » - pour
que cesse l’alcoolisme.
Si l’on peut encore
parler de « maladie » dans le cas de l’alcoolisme, c’est de maladie psychique
dont il s’agit. Aussi le traitement avancé pour l’alcoolisme demeure
essentiellement thérapeutique. Similaire en cela des maladies dites mentales,
telle la dépression. Distinguons donc maladie physiologique de maladie psychique.
L’alcoolisme est essentiellement une maladie d’ordre psychique nécessitant un
traitement thérapeutique.
Or, comme le
souligne la première étape des AA, le symptôme fondamental de la maladie de
l’alcoolisme, c’est l’impuissance radicale dans lequel se trouve
l’alcoolique, c’est-à-dire « avoir perdu la maîtrise de [sa] propre vie. » De
quoi s’agit-il au juste ? L’apôtre Paul, l’a excellement précisé dans sa lettre
aux Romains (7,15-19) en écrivant :
Ce que
je fais, je ne le comprends pas.
Car je
ne fais pas ce que je veux, je fais tout ce que je déteste.
…Ainsi le vouloir est à ma portée, mais non pas l’accomplir, puisque je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas.
L’impuissance
radicale dans lequel se trouve l’alcoolique, c’est celui de sa volonté:
il est désormais incapable de cesser de boire ; sa volonté veut le bien, à
savoir cesser de boire ; mais il est incapable d’accomplir cette
volonté.
L’alcoolique
souffre donc d’une déficience dans sa volonté. Faiblesse radicale de la
volonté, donc. C’est pourquoi sa vie dérape et ce, contre sa volonté. Il semble
perdre le contrôle de sa vie. Il ne peut plus être lui-même, comme si quelqu’un
d’autre - l'alcool - dirigeait sa vie contre son gré. Il lui faut à tout prix
reprendre le contrôle de lui-même.
C’est là
qu’entre le mouvement des AA. Quelle est donc la nature de la thérapie que les
AA proposent ? Essentiellement, l’amour. L’amour est la clé de la
déficience dans la volonté qui, comme on l’a vu, constitue l’impuissance
radicale de l’alcoolique à cesser de boire. L’amour prodigué par le groupe est
la clé thérapeutique. Le premier article des douze Traditions énonce :
1.
Notre bien-être commun devrait venir en premier lieu ; le rétablissement
personnel dépend de l’unité des AA.
L’unité des
AA, c’est l’unité dans l’amour, dans la transmission de l’amour. En
assistant aux réunions (meetings), l’alcoolique reçoit une vigoureuse dose
d’amour, ce qui le requinte dans sa volonté affaiblie, en panne.
Il suffit d’y
penser une minute. Lorsque je veux quelque chose, c’est que j’aime et désire
cette chose. Lorsqu’on m’en empêche, en contrecarrant ma volonté, je suis
triste, peiné, irrité, voire furieux. Or, il arrive bien souvent que je ne puis
jouir de la chose que j’aime et que je désire parce qu’au fond, je ne l’aime
pas suffisamment et ne la désire vraiment. Par exemple, je convoite un emploi
rémunérateur. Mais je n'ai ni la force ni l'énergie de m'investir dans une
formation pour obtenir le poste en question. Il me faut donc aimer et désirer
davantage pour l’acquérir. Mais très souvent, je n’ai pas la volonté suffisante
pour le faire. L'alcoolique désire cesser de boire, mais il ne dispose pas de
la volonté nécessaire pour y mettre fin.
Le problème de
la faiblesse de la volonté caractérisant l’alcoolique vient donc d’un manque
d’amour et, donc, de désir. Saint Paul va jusqu’à dire que le fameux « péché
originel » vient précisément du manque d’amour et de désir en nous. Il convient
donc, continue l'apôtre, à apprendre à aimer davantage. Quelqu’un qui a peu
d’estime de lui-même, n’est pas prêt, il va de soi, à faire l’effort suffisant
pour arrêter de boire, plus précisément cesser de se faire du mal. Plus il
boit, plus il se déteste, et moins il est en mesure de cesser de boire. C'est
un cercle vicieux infernal.
C’est là
précisément qu’entre en jeu la deuxième Étape des AA :
2. Nous
en sommes venus à croire qu’une Puissance supérieure à nous-mêmes pouvait nous
rendre la raison.
Le deuxième article des Douze Traditions répond comme en écho :
2. Dans
la poursuite de notre objectif commun, il n’existe qu’une seule autorité
ultime : un Dieu d’amour tel qu’il peut se manifester dans notre
conscience de groupe.
Puisque l’amour est la
clé de la faiblesse radicale de la volonté chez l’alcoolique, il lui faut
admettre l’existence d’une Volonté Toute-Puissante d’Amour. Cette Puissance
d’Amour – Dieu - se manifeste par les membres des AA, par l’accueil, la
sympathie, la solidarité, la fraternité, etc., permettant ainsi à l’alcoolique
de ne pas croire qu’il est seul à vivre son enfer. D’autres comme lui vivent le
même enfer. C’est la solidarité dans l’adversité qui constitue la force des AA.
L'autre, plus que moi-même importe.
Les partages
quotidiens chez les AA témoignent de cette Volonté Toute-Puissante d’Amour agissante.
Celles et ceux qui partagent témoignent de manière éloquente, renversante, de
la manière dont ce Dieu d’Amour transforme radicalement, l'existence d'ex-alcooliques.
Abstinents depuis 20, 30 et 40 ans, ces ex-alcooliques sont comme des «
ressuscités ». Aux prises avec l’alcoolisme, ils n’étaient alors que
morts-vivants, des loques humaines, des épaves, ayant perdu toute dignité
personnelle.
L’un d'eux
dira, par exemple : « Avant, lorsque j’étais alcoolique, je ne me
connaissais pas. Je ne savais pas vraiment qui j’étais. Je n’étais qu’une
ombre, un moins-que-rien, un misérable. J’ai alors appris progressivement à
m’aimer ; à me respecter. Et c’est vous, membres AA, qui m’avez aimé le
premier, et qui m’avez redonné le goût de vivre. Aujourd’hui, c’est à mon tour
de vous donner de l’amour. Car l’amour sauve. Ainsi le veut le Dieu d’amour tel
que nous Le concevons. »
Dans la vie,
peu d’entre nous s’aime, de sorte que peu sont en mesure de partager de l’amour
aux autres. Les AA vont à contre-courant. La souffrance nous force à regarder
qui nous sommes et à nous changer. L’amour que le nouveau membre reçoit des
membres des AA l’aide à se regarder, à changer et à se corriger et ce, malgré
ces grandes misères. Il ne perd plus son temps à accuser les autres – la «
société », les riches, etc. – de sa misère personnelle. Il se prend dès lors en
main, et il procède « sans crainte à un examen à un inventaire moral,
approfondi de lui-même. » (Étape 4) Surtout, comme le prescrit la 11e Étape :
11. Nous
avons cherché par la prière et la méditation à améliorer notre contact
conscient avec Dieu, tel que nous Le concevons. Lui demandant
seulement de connaître Sa volonté à notre égard et de nous donner la force de
l'exécuter.
Alors comment donc Dieu procède-t-il pour nous donner la force nécessaire afin d’accomplir ce que nous ne sommes pas en mesure d’accomplir ? D'après ce qui précède, il n'y a qu'une seule manière : Il NOUS AIME malgré notre pitoyable faiblesse. Cette force nécessaire passe par les membres des AA.
Comme dit l’hymne liturgique : Qui
donc est Dieu pour nous aimer ainsi, fils de la terre ?
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