L'apport de Jung au christianisme
"Ce
serait une erreur regrettable que de prendre mes observations comme une sorte
de preuve de l'existence de Dieu. Elles ne prouvent que l'existence d'une image
archétypique de la Divinité, et c'est là tout ce qu'à mon sens nous pouvons
dire psychologiquement sur Dieu. Mais comme c'est un archétype d'importance
très grande et d'influence très puissante, son assez fréquente apparition
paraît un fait remarquable pour toute Theologia naturalis (Théologie
naturelle). Comme l'expérience vécue de cet archétype possède la propriété de
"numinosité", souvent même à un degré élevé, elle doit prendre rang
parmi les expériences religieuses."[1]
*
Je
me propose dans les lignes qui suivent de commenter ce passage tiré de Psychologie
et religion de Carl Gustav Jung.
Circonspect, le psychologue suisse fut
soucieux de présenter les conclusions de ses recherches comme reposant d’abord
et avant tout sur sa pratique clinique. Jung s’est toujours apposé l’étiquette
d’« empiriste » au sens large du terme, c’est-à-dire au sens que ses
conclusions relèvent exclusivement de l’expérience en lien avec sa
pratique clinique. En somme, il s’est systématiquement interdit de spéculer métaphysiquement,
entre autres, sur les archétypes, dont celui de Dieu ou du divin.
C’est en ce sens qu’il convient de
comprendre cette assertion de Jung : « Les affirmations métaphysiques sont
des dires l’âme, aussi sont-elles psychologiques. »[2] Les philosophes, tel
Aristote, fondateur de la métaphysique, voire Kant, posant l’impossibilité
transcendantale de connaître la « chose en soi », le fameux « noumène », ont
cru pouvoir atteindre directement l’être des choses objectivement, en cela il
trahissait leur propre psyché personnelle laquelle ne fait que puiser dans
l’inconscient collectif constitué d’archétypes inconscients. En somme, on ne
saurait échapper à la psyché afin de parler ou de dire en quoi consiste
objectivement la réalité. On est toujours sous la remorque d’un archétype dans
ce que nous cherchons à dire. Il n’y a pas et il ne peut y avoir « de point
de vue de nulle part » (pour reprendre l’expression du philosophe américain
Thomas Nagel[3]).
Concernant Dieu et ce que Jung en a
dit, Anièla Jaffé, la collaboratrice du maître, écrit lors de la rédaction de
ses Mémoires :
Dans ses Mémoires,
Jung parle, pour la première et unique fois de Dieu et des propres expériences
religieuses. Remontant à sa jeunesse et rappelant sa rébellion juvénile envers
l’Église, il me dit un jour : ‘ Je compris que Dieu – du moins en ce qui
me concernait – était une expérience immédiate des plus certaines. ’ Or, dans
son œuvre scientifique, Jung ne parle de Dieu, mais de l’‘image de Dieu dans
l’âme humaine’ [archétype]. Ce n’est pas une contradiction, car, d’une part, il
s’agissait d’une affirmation personnelle reposant sur l’événement vécu, et,
d’autre part, d’une affirmation scientifique objective. Dans le premier cas
c’est l’homme religieux qui se livre, et à ses idées se sont mêlées un
sentiment passionné, l’intuition et les expériences intérieures et extérieures
d’une longue et riche vie ; dans le second, c’est le chercheur qui prend
la parole. Ses affirmations alors ne franchissent pas les limites de la
connaissance scientifique, mais se bornent à des faits psychiques démontrables et
objectifs. Homme de science, Jung était un empiriste. Lorsqu’il était question,
pour notre livre, de ses expériences personnelles et des ses sentiments
religieux, il comptait sur la bienveillance et la compréhension du lecteur qui
le suivrait dans ses confessions. Mais seul celui aura fait des expériences
semblables ou qui porte en lui une image de Dieu aux traits analogues pourra
accepter comme valables pour lui-même les affirmations personnelles de Jung.[4]
Il a paru assez clair pour Jung que
les interrogations philosophiques, voire métaphysiques, renvoient en dernière
analyse à des interrogations psychiques touchant la personne qui les émet. Il
écrit par exemple :
Durant le siècle et
demi écoulé depuis la ‘Critique de la raison pure’ de Kant, l’opinion s’est peu
à peu faite jour, que pensée, raison, entendement, etc., ne sont point des
processus qui existent débarrassés de tout conditionnement objectif, simplement
au service des lois éternelles de la logique ; ce sont des fonctions
psychiques adjointes ou subordonnées à une personnalité. La question n’est
plus : Est-ce qu’on le voit ? l’entend ? le touche avec les
sens ? est-ce qu’on le pèse ? le compte ? le pense ? et le
trouve-t-on logique ? La question est : ‘Qui voit, qui
entend, qui a pensé ? ’… Nous sommes aujourd’hui persuadés que tous
les domaines du savoir ont leurs prémisses psychologiques qui apportent des
éléments décisifs sur le choix du sujet, la méthode d’étude, le genre de
conclusions ainsi que sur la construction d’hypothèses et de théories.[5]
Le théologien protestant allemand,
Rudolf Otto (1865-1937), est le concepteur d’une conception du sacré définissant
Dieu ou le divin comme le Tout-Autre. Nous lisons au Psaume 86 : « Nul
n’est comme toi parmi les dieux, Seigneur ! Ce que tu fais est
incomparable. » Un archétype, celui du divin ou de quoi que soit, est en
réalité une sorte de matrice vide de contenu. Jung écrit :
… il faut faire
ressortir une fois de plus que les archétypes ne sont pas déterminés quant à
leur contenu ; ils ne le sont que formellement, et encore uniquement d’une
manière très conditionnelle… L’archétype est en lui-même un élément vide,
formel, qui n’est rien d’autre qu’une facultas praeformandi [une faculté
de préformer], une possibilité donnée a priori de la forme de
représentation. …il peut en principe recevoir un nom et possède un noyau
invariable de signification, par lequel son mode de manifestation est toujours
déterminé en principe mais jamais concrètement. La manière dont, par exemple,
l’archétype de la mère apparaît chaque fois empiriquement ne peut jamais être
déduite de lui-même, mais repose sur d’autres facteurs.[6]
L’archétype de Dieu – celui du
Tout-Autre – est donc une forme de la représentation préformée pour ainsi dire,
c’est-à-dire une sorte de matrice ou de moule que peut prendre le divin dans
diverse cultures et religions, à différentes époques. En fait, l’archétype
existe toujours en puissance de contenu ou de signification. Qui dit
puissance, dit acte –, du moins, si l’on suit la distinction
aristotélicienne de la puissance-acte. En soi, donc, la signification
déterminée que prend l’archétype divin n’est là qu’en puissance. Le judaïsme
fut la première religion monothéiste a adoré un Dieu tout-puissant créateur
intervenant dans l’histoire des hommes. Puis, avec le christianisme, se Dieu
tout-puissant créateur s’est transformé en un Père tout-amour qu’annonça son
Fils, Jésus Christ. Et ce Dieu n’a pas fini de nous surprendre car c’est le
Dieu Tout Autre qu’on ne saurait, justement, enfermer dans des cloisons fermées
et rigides. Un Dieu compris n’est pas un Dieu.[7]
En tout cas, Rudolf Otto a mis à
mon sens le doigt sur l’élément essentiel de l’archétype divin, le Tout-Autre. Évidemment,
il s’agit d’une forme fort abstraite. Nul doute, toutefois, nos lointains
ancêtres ont préféré une forme beaucoup plus concrète, le soleil en
l’occurrence. Il crève les yeux que nos ancêtres furent en admiration extatique
devant l’astre solaire. Lui qui donne la vie, lumière après les ténèbres de la
nuit, chaleur, réconfort, paix, cela instiguant la joie de vivre. En un mot, le
bonheur. D’où ce que Otto a plaidé au sujet du sacré comme Tout-Autre :
l’émoi, le frisson, l’effroi ; en latin, le mysterium tremendum.
Certes, aujourd’hui, il va de soi,
le soleil n’est qu’une masse d’atomes en fission nucléaire. D’ailleurs, lors de
la récente éclipse solaire du 8 avril 2024, tout le monde ne parlait que du
phénomène astronomique, point à la ligne. L’effroi que suscitait chez nos
ancêtres la disparition momentanée du soleil obscurcit par la lune fut
complètement évacué. Certes, l’événement suscita un fort engouement. On ressentait
bien un grand émoi devant le phénomène astronomique, mais jamais une terreur,
un effroi, un tremendum, comme ce fut le cas jadis pour nos ancêtres. On
se dit qu’après tout, la nature est bien surprenante malgré tout, c’est-à-dire
malgré notre savoir scientifique qui a dégonflé bien des mystères. Le mysterium
tremendum, le mystère qui fait frissonner, est donc chose du passé.
On comprend qu’aujourd’hui le
soleil est loin d’avoir quelque ressemblance avec Dieu ou le divin. Le
contraire relève d’un lointain animiste éculé. Pourtant, le Cirque du Soleil
table toujours justement sur le soleil. Au fronton est du bâtiment à Montréal abritant
le Cirque du Soleil, l’emblème du Cirque est un soleil souriant et
resplendissant. Sur l’immense banderole, le soleil triomphe de ses feux sous
lequel nous lisons les mots : Le soleil se lève à nouveau. L’énoncé
est pourtant faux, d’un point de vue purement astronomique. Mais l’énoncé ne se
veut pas être une vérité scientifique, mais symbolique. L’énoncé invite
à l’espoir. Ici, donc, le soleil doit être saisi comme un symbole. Et le
symbole n’est pas loin de l’archétype car il en découle.
D’ailleurs, le mot archétype
lui-même est solaire. Dans son essence, en effet, l’archétype illumine,
rayonne, resplendit.
Qu’est-ce qu’un symbole ? Le
mot vient du grec, sumbalon. Un signe de reconnaissance. Le sumbolon
est un objet qu’on jette (balein, jeter ) avec un autre (sun,
avec). Aux prremiers temps de l’église, lorsqu’un chrétien en rencontrait un
autre, tous deux se reconnaissent en posant côte à côte un poisson ou du pain. Le
symbole assure donc l’identité. Plus tard, l’église adopta le symbole de la
croix. Le symbole découle de l’archétype, comme l’espèce du genre. Dans le cas
des chrétiens, le symbole est solaire : le Christ, lumière du monde dans
les ténèbres. L’ostensoir, dans lequel est inséré l’hostie représente un
soleil. Le lien entre le soleil et le Cirque du Soleil est… christique. Évidemment,
ces rapports symboliques ne furent sans doute pas conscients par le fondateur
du Cirque du Soleil (Guy Laliberté) et ses promoteurs. L’inconscient collectif,
le nom le dit, n’est pas de l’ordre de la conscience.
J’habite, pour ma part depuis
juillet dernier, en face du Cirque du Soleil. Il n’y a pas d’église dans le
coin (une église évangélique est en construction). Toutefois, au plan de
l’inconscient collectif, la symbolique solaire, christique, du Cirque constitue
une sorte d’église. D’ailleurs, le mot acrobate, du grec acrobatès,
signifie marcheur (batein) sur les extrémités (acro)
Encore une fois de manière inconsciente les fidèles et les prêtres sont des
espèces d’‘acrobates’, nous invitant à nous élancer dans les hauteurs là
où le Soleil-Christ nous invite afin de vivre dans le Royaume du Père céleste
(autre archétype solaire).
Aussi, lorsqu’on lit au fronton est
du Cirque du Soleil: « Le soleil se lève à nouveau », il ne faut pas y
voir un énoncé astronomique faux, mais un énoncé symbolique prenant sa source
dans l’archétype divin du Tout-Autre. La source d’Espérance vive.
Est-ce là une preuve de
l’existence de Dieu ? Bien sûr que non. Bien entendu, par « preuve » il
faut entendre ici, du moins depuis l’époque moderne, celle qui a vu naître la
Science expérimentale, une observation objective se voulant parfaitement
neutre et indépendante de la subjectivité personnelle, libre de toute référence
psychique. La vérité est, et ne peut être, qu’objective. Du moins, selon
l’un des dogmes de la pensée scientifique positiviste. Pour elle, la vérité existe
sans pourtant qu’il y ait des hommes pour la reconnaître. C’est ce qu’on
appelle le réalisme métaphysique. Or, ce réalisme conduit inexorablement
au matérialisme en ce sens que l’inutilité apparente de l’esprit humain en
termes de recherche de la vérité, indiquerait que la seule réalité vraie c’est
la matière dépourvue de toute considération de nature psychique. À mon sens,
l’exclusion de la psyché et l’admission du matérialisme ne sont que des normes
méthodologiques de la Science.
Jung n’a cessé de dénoncer la
psychologie « sans âme » qui prévalait en son temps, et qui prévaut toujours.
On lit au tout début de L’homme à la découverte de son âme (1931) :
Alors que le moyen
âge, l’antiquité, voire l’humanité toute entière depuis ses premiers
balbutiements avaient vécu dans la conviction d’une âme substantielle, on voit
naître, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, une psychologie ‘sans âme’.
Sous l’influence du matérialisme scientifique tout ce qui ne peut être vu avec
les yeux ou appréhendé avec les mains est révoqué en doute, ou même, soupçonné
de métaphysique, devient compromettant. Seul est dorénavant ‘scientifique’ et
par suite recevable ce qui est manifestement matériel ou ce qui peut être
déduit de causes accessibles aux sens.[8]
« Notre vie présente », écrivait
ailleurs Jung, « est dominée par la déesse Raison, qui est notre illusion la
plus grande et la plus tragique. »[9] La déesse en question fut
pour ainsi dire portée à bout de bras par René Descartes qui, le premier, fit
de la petite goutte d’eau de la conscience, séparée de l’océan-inconscient.
Nous en sommes encore là aujourd’hui.
Pour revenir à la notion de ‘preuve’,
si chère à la pensée scientifique moderne, lorsque le Philosophe des Lumières
allemandes, Emmanuel Kant, examina les fameuses ‘preuves’ de l’existence de
Dieu, provenant sans le nommer de Thomas d’Aquin, il crut prouver à l’aide de
la raison pure (la ‘déesse de la Raison’) que ces prétendues preuves n’en sont
pas. Or, le Docteur de l’Église, saint Thomas d’Aquin, ne parle pas, lui, de
‘preuves’ mais de voies (via).[10] Il y a là toute la
différence du monde puisqu’une ‘voie’ indique un chemin de réflexion à
emprunter, une direction, un sens, ce qui suppose, à l’évidence, un esprit
en quête de la vérité.
Quant à la vérité, celle-ci, comme
je le disais précédemment, est objective au sens fort suivant lequel
même s’il n’y avait pas d’êtres humains pour la connaître ou la reconnaître, la
vérité existerait tout de même. On est loin de la conception augustinienne de
la vérité suivant laquelle non seulement la vérité existe avant de la connaître
mais elle sollicite les hommes à la découvrir, à la connaître. L’évêque
d’Hippone écrit :
La réflexion n’a
point créé la vérité, elle l’a constatée. Donc, avant d’être découverte, la
vérité subsiste, et une fois constatée, elle nous renouvelle.[11]
La conception de la vérité ayant
cours en science veut que la vérité soit objective, impersonnelle, universelle.
Au fond, la vérité n’aurait cure des êtres humains qui la cherchent. Augustin
soutient au contraire que la vérité a des intentions à notre égard :
elle veut pour ainsi dire que nous la trouvions afin de nous renouveler, de nous
transformer. Ici, saint Augustin commente ce mot de l’évangile de Jean :
«… connaissez la vérité et la vérité vous rendra libre. » (Jean 8,31)
Jung rejoint Augustin sur ce point
central lorsqu’il écrit :
L’inconscient
perçoit, a des intentions et des pressentiments, des sentiments et des pensées
tout comme le conscient.[12]
La science moderne s’est construite
sur le rejet total de l’inconscient. Descartes avec son fameux cogito, « Je
pense, donc je suis », en est le héros. Car, nous dit Descartes, c’est dans la
mesure où je suis conscient (je pense) que je suis, j’existe. Et c’est dans la
mesure également où je suis conscient d’être imparfait que je puis concevoir «
clairement et distinctement » qu’un être parfait existe, Dieu. Dieu n’est
désormais plus qu’un pur produit de la conscience. Il sera aisé par la suite
aux philosophes matérialistes des Lumières de réduire la conscience à la
matière (le cerveau) et de nier ainsi l’existence de Dieu. Nous en sommes là
encore aujourd’hui.
Certes, on rétorquera que Freud a
lui admis l’inconscient à côté du conscient qui n’apparaît plus que comme une
marionnette à la remorque de l’inconscient. Mais l’inconscient freudien n’est
qu’une poubelle de refoulements du conscient. Par ailleurs, Freud adhère
pleinement à la science moderne en réduisant l’inconscient à la libido
refoulée. Freud est donc, comme tout bon scientifique digne de ce nom, un
réductionniste. Le réductionnisme stipule de tout phénomène naturel est
réductible à des éléments simples de nature matérielle.
Bien que Jung soit au départ
disciple de Freud, il prit par la suite ses distances vis-à-vis du maître
viennois. Réduire l’inconscient aux désirs sexuels refoulés fut une lamentable
erreur. Un réductionniste aurait pu, par exemple, penser que la nourriture,
toujours en manque, et non la sexualité, soit le moteur alimentant l’inconscient.
Pourquoi pas ? Par ailleurs, pourquoi l’instinct de puissance ne serait-il
pas plus important que l’instinct de plaisir (sexuel, entre autres) ? Ce
genre de considérations mis un terme à la relation entre Jung et Freud. Toutefois,
le complexe d’Œdipe séduisit Jung et l’amena à concevoir l’inconscient comme
des patterns of behaviour, les archétypes inconscients. D’où
l’inconscient collectif au-delà de l’inconscient personnel.
L’apport de la psychologie de Jung
au christianisme réside d’abord et avant tout, selon moi, dans l’élaboration
d’une épistémologie radicalement distincte de l’épistémologie rationaliste
moderne, laquelle, en somme, réduit tout à la seule petite conscience. Ce fut
la grande affaire de Descartes qui nous conviait à nous « rendre comme roi et
maître de la nature » (Discours de la méthode, 6e partie). De
la sorte, la psychologie jungienne constitue une critique de fond de la pensée
moderne occidentale, celle de la science expérimentale en particulier s’étant
mise en place à partir du siècle de Lumières et qui, aujourd’hui, se réclame du
matérialisme et, par voie de conséquence, d’une psychologie « sans âme » ainsi
que d’un athéisme blindé.
En résumé, lorsqu’on réduit l’océan
de l’inconscient à la goutte d’eau du conscient, on aboutit à l’état désolant
dans lequel nous sommes plongés, ce que Antoine de Saint-Exupéry pour sa part tenait
en horreur et qu’il désigna comme le « désert de l’homme »[13]. Peu importe,
l’inconscient qui vise l’équilibre psychique de l’être humain pousse
parallèlement une vive « soif de Dieu ».
Les observations de nature
psychologique de Jung ne constituent donc pas une preuve de l’existence
de Dieu ? Tant mieux ! En effet, le jeu de la ‘preuve’ n’est pas celui
de l’inconscient. En revanche, le jeu auquel se plaît l’inconscient est celui
du symbole lequel n’est rien sans l’archétype qui le sous-tend.
Le travail de Jung aura consisté à réenchanter
le monde. C’est sur ce fond que le christianisme se trouve lui-aussi
réenchanté. Voilà l’apport de Jung à la foi chrétienne.
[1] Carl
Gustav Jung, Psychologie et religion, Paris, Buchet/Chastel, 1958, p.
113-114.
[2] Carl
Gustav Jung, « Témoignage en faveur de l’âme », in L’Âme et la Vie, Paris,
Buchet/Chastel, 1963, p. 40. Je souligne.
[3] Thomas
Nagel, Le point de vue de nulle part.
[4] Anièla
Jaffé, ‘Introduction’ à ‘Ma vie’. Souvenirs, rêves et pensées, de Carl
Gustav Jung, Paris, Gallimard, 1973, p. 19-20.
[5] L’Âme
et la Vie, op. cit., p. 204-205.
[6] Les
racines de la conscience. Études sur l’archétype, Paris, Buchet /Chastel,
1971, p. 110-112. Il s’agit d’une conférence livrée aux Rencontres d’Éranos de
1938. La citation précédente est tirée de ce même texte.
[7] Le
problème avec le Dieu des catholiques, c’est un Dieu raisonnable. Certes, un
Dieu d’amour (agapè), mais tout de même un Dieu accessible à la raison. Les
protestants refusent ce Dieu raisonnable. Le mot de Luther « Laissé Dieu être
Dieu » dit tout.
[8] Carl
Gustav Jung, L’homme a la découverte de son âme, Paris, PBP, 1962, p.
35.
[9] Essai
d’exploration de l’inconscient, Paris, Denoël, folio-essais, 1964, p. 176.
[10] Voir Somme
Théologique, Partie I, Question 2, article 3.
[11] Saint
Augustin, De la vraie religion, Chapitre XXXIX.
[12] Carl
Gustav Jung, L’homme à la découverte de son âme, p. 47.
[13] Dans une
dernière lettre datant de 1943 au Général ‘X’.


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