STAT : FAUT-IL EN RIRE OU EN PLEURER ?

 

 

De retour à l’écran, STAT, la série radio-canadienne, battant des records de grande écoute, revient en force en ce début d’année. Le chirurgien Steve Jolicoeur (Marc Beaupré) plonge dans la névrose paranoïaque et tue par un coup de scalpel le psychiatre Philippe Dupéré (Patrick Labbé), pendant que la travailleuse sociale Delphine Martin (Virginie Ranger-Beauregard) succombe à une crise cardiaque. C’est le drame et la consternation à l’hôpital Saint-Vincent, du moins chez l’équipe d'urgentologues de l'hôpital. L’autrice, Marie-Andrée Labbé, déclare : « Je voulais commencer l’année en force. L’objectif, c’est de surprendre les gens. Oui, c’est grève cœur et ça bouscule les émotions. Je le savais que ça allait faire de la peine, mais mon but, c’est de raconter une bonne histoire. »

Qu’est-ce donc qu’une bonne histoire ? Surprendre les gens ? Leur grever systématiquement le cœur ?

Depuis le début de la série, il s’agit en fait d’exhiber la souffrance humaine sous toutes ses formes en suscitant l’indignation, le mépris, la nausée, voire la colère. On carbure ici à l’émotion pure. La souffrance humaine devient une simple marchandise. Voilà la « bonne » histoire.

Il convient de s’indigner de cet état de choses déplorable. Dans Stat, il n’y a pas de but, de direction qui vaille sinon  montrer la souffrance humaine. Il n’y a pas de solution ni de salut à Saint-Vincent. La maladie, la mort, les épreuves avec leur lot de souffrance, tissant la trame de notre humanité, sont relatées, exposées, triturées, etc., sans que pointe une once de salut, de sens, de direction. La seule ligne de conduite prescrite par l’autrice (ce n’est pas rien, j’en conviens) c’est la solidarité, la fraternité, devant l’intraitable, l’inévitable, l’inexplicable. La science médicale, comme les humains qui la mettent en œuvre, ont leur limite. Sachant que le public est en bonne partie athée ou agnostique, l’autrice a beau jeu de faire jouer l’amitié et la solidarité devant le gouffre abyssale de la détresse humaine. Puis, il faut en convenir, le diffuseur répondant au diktat de la laïcité de son bailleur de fond, l’État fédéral canadien, l’autrice s’y voit elle aussi contrainte.

Ces conditions étant, il ne faut en aucune manière s’attendre à ce qu’un personnage hors norme, hors cadre, plutôt mystique, bref, irrationnel, du moins selon la norme rationaliste moderne, vienne s’immiscer dans la série. Quoi qu'on en pense, le personnage loufoque de Jérome Dumont (David La Haye), complètement détraqué, ne répond pas au type souhaité. Le personnage en question est source de sagesse. Imaginons un jeune enfant, ne venant dont on ne sait d’où – tel le Petit Prince – qui s’emploie systématiquement à remettre en question la culture et la civilisation dans laquelle baigne l’hôpital Saint-Vincent, voire le fameux système de santé prévalant au Québec. Horreur et damnation !

C’est pourtant ce qui se passe avec le petit Jésus qui naît dans une crèche... Pas à l’hôpital, ni dans une maison, une auberge, mais : dans une mangeoire, une étable ! C'est complètement déjanté. Certes, c’est une fort ancienne histoire qui a perdu tout son poids révolutionnaire. L’Évangile – la Bonne Nouvelle – n’a évidemment plus la cote. Radio-Canada et l’autrice le savent trop bien. Ce sont là des histoires à dormir debout qui n’ont, à strictement, plus aucune résonnance aujourd’hui. Du moins, en apparence.

C’est bien là l’opinion – la doxa – générale. Il ne reste plus, il va de soi, qu’à écrire à contre-courant. C’est ce dont, pour ma part, je m’applique.

Pour revenir aux récentes épisodes, ce qui est plutôt curieux, c'est que le psychiatre et la travailleuse sociale sont liquidés.  Les chirurgiens demeurent indemnes. Comme si, inconsciemment, les moins scientifiques ou technologues, se voient rétrogradés.

Quoi qu'il en soit, la série opère inconsciemment selon les normes scientifiques et technologiques.  C'est « l'horizontal ». La « verticale », par ailleurs ce sont les humains et leurs histoires personnelles. La ligne verticale croise l'horizontale. C'est là le cœur de la série. À mon sens, la série gagnerait en valeur si la « verticale » était plus développée. Encore une fois, je reviens à ce personne hors cadre, tel Mr. Chance (Peter Sellers dans Being There), dont les actes et le paroles deviennent des oracles et font réfléchir.



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