L'espérance de Bernanos commenté.



Qui n’a pas vu la route, à l’aube, entre deux rangées d’arbres,

toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce que c’est qu’est l’espérance.

L’espérance est une détermination héroïque de l’âme, et sa plus haute forme est le désespoir surmonté. L’espérance est une vertu héroïque.

On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prennent faussement pour de l’espérance.

L’espérance est un risque à courir, c’est même le risque des risques.

L’espérance est la plus grande et la plus difficile victoire qu’un homme puisse remporter sur son âme.

On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts.

Pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore. 

                                                                        

                                                                        *


Qui n’a pas vu la route, à l’aube, entre deux rangées d’arbres, toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce que c’est qu’est l’espérance.

______________________________________________________________

L’espérance est une voie qui, soudainement, apparaît au travers d’une forêt dense. C’est un exode. Un passage inopiné. Moment libérateur.

__________________________________________________________

L’espérance est une détermination héroïque de l’âme, et sa plus haute forme est le désespoir surmonté. L’espérance est une vertu héroïque.

_______________________________________________________________

Il y a certes quelque chose d’héroïque dans la vertu d’espérance au sens où la personne confrontée à la désespérance, croit contre toute espérance. Elle ne se laisse pas abattre face à tous les signes de désespérance pointant le nez. Elle croit en l’inouï, en l’inattendu, l’inconcevable. Cette capacité implacable, inaltérable, surgit de son fond intérieur qu’elle ne soupçonne guère en temps normal. L’épreuve lui fait découvrir le trésor qu’elle recèle en elle-même et qu’elle est elle-même. Dieu est là, qui l’appelle. (« La gloire de Dieu, c’est de vous l’homme debout. », Irénée de Lyon.)

___________________________________________________________

On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prennent faussement pour de l’espérance.

________________________________________________________________

Le petit moi conscient ne vise que sa survie, sa sécurité, son bien-être. Pour ce faire, il se fiche pas mal de ce qui est bien ou mal, pourvu que le moyen utilisé serve ses intérêts. Toutefois, le malheur, l’épreuve, que le moi conscient ne parvient pas à surmonter afin de rétablir son équilibre fragilisé, contraint le petit moi à se remettre en question, à critiquer, évaluer sérieusement, les solutions qui lui sont proposées pour sortir de sa noirceur. Les tentations du Christ au désert soumises par l’Adversaire sont de cette nature. Le Christ les a toutes rejetées.

___________________________________________________________________

L’espérance est un risque à courir, c’est même le risque des risques.

___________________________________________________________________

Le risque que comporte l’espérance, c’est de risquer d’être soi-même. Cesser de s’en remettre à l’opinion générale, au détestable et pitoyable : « Fais-le donc, tout le monde le fait ! »

____________________________________________________________________

L’espérance est la plus grande et la plus difficile victoire qu’un homme puisse remporter sur son âme.

____________________________________________________________________

Mon âme, c’est mon être profond, ce que je suis vraiment, en toute réalité. Le psychologue suisse Carl Gustav Jung le désigne par le mot Soi (das Selbst), que le psychologue italien Roberto Assagioli a qualifié pour sa part comme étant le Soi transpersonnel. Transpersonnel au sens où le Soi est au-delà du moi conscient de la personne. Le Soi fait partie de l’inconscient collectif de tout être humain tout en étant relié à notre moi conscient personnel. Citons Assagioli :

« Il est important de se souvenir de cette distinction [entre le moi personnel conscient et le Soi transpersonnel] parce que ce sentiment de permanence, de stabilité, est transmis, bien que de façon atténuée, voilée, du Soi transpersonnel à son reflet, le moi conscient personnel. C’est lui qui donne le sentiment de permanence, d’identité personnelle, à travers tous les changements de la conscience. Bien que nous nous identifiions successivement à nos différents rôles, à nos différentes sous-personnalités, et aux sentiments variés qui occupent le champ de notre conscience, chacun sait, au fond de lui, qu’il est toujours le même… Ainsi, la caractéristique essentielle de la conscience de soi est la continuité, la permanence ; mais cette permanence du moi conscient n’est qu’un pâle reflet de l’essence pérenne et immortelle du Moi spirituel, du Soi transpersonnel. »[1]

La force divine, surhumaine, transcendante permettant de croire contre toute espérance, tout désespoir, c’est la force du Soi, de l’Être profond que nous sommes et qui fut créé par Dieu. Au fond, Dieu parle à notre moi conscient personnel par l’intermédiaire du Soi.

______________________________________________________________

On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts.

_______________________________________________________________

La vérité n’est pas quelque chose que nous découvrons par les seules lumières de notre intelligence. La vérité est là, avant que nous la découvrions. Elle-même, au travers du Soi, elle stimule, titille, notre intelligence. À son sujet, le Christ dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » (Jean 14,6) La vérité est donc une personne, Jésus Christ. Imiter Jésus, c’est imiter la vérité. C’est incarné le Soi. Le Christ est l’exemple paradigmatique du Soi. Devenir Soi, c’est faire la vérité sur soi-même. Plus nous faisons la vérité sur qui nous sommes, plus grandit et se raffermit notre espérance.

______________________________________________________________________

Pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore.

_____________________________________________________________________

Le désespoir constitue une perte, une perturbation de notre identité personnelle profonde. Le contact avec le Soi est brouillé. Le désespoir nous interpelle à retourner vers Soi-même. Ne dénigrons jamais le désespoir. Comme dit Job : « Si nous remercions Dieu du bonheur qu’il nous donne ; pourquoi ne le remercions-nous pas également pour le malheur ? » (Job 2,10). L’espérance est la vertu du Soi que le moi conscient doit intégré.



[1] Roberto Assagioli, Le développement transpersonnel, Desclée de Brouwer, 1994, p.31-32.

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Dessine-moi l'évolution !

LE RETOUR DE MISTER CHANCE

L'UTILITARISME DE TRUMP