L'espérance de Bernanos commenté.
Qui n’a pas vu la route, à l’aube, entre deux rangées
d’arbres,
toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce que c’est
qu’est l’espérance.
L’espérance est une détermination héroïque de l’âme, et sa
plus haute forme est le désespoir surmonté. L’espérance est une vertu héroïque.
On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux
qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils
trouvaient une sécurité qu’ils prennent faussement pour de l’espérance.
L’espérance est un risque à courir, c’est même le risque des
risques.
L’espérance est la plus grande et la plus difficile victoire
qu’un homme puisse remporter sur son âme.
On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts.
Pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore.
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Qui n’a pas vu la route, à l’aube, entre deux rangées
d’arbres, toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce que c’est qu’est l’espérance.
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L’espérance
est une voie qui, soudainement, apparaît au travers d’une forêt dense. C’est un
exode. Un passage inopiné. Moment libérateur.
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L’espérance est une détermination héroïque de l’âme, et sa
plus haute forme est le désespoir surmonté. L’espérance est une vertu héroïque.
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Il y a
certes quelque chose d’héroïque dans la vertu d’espérance au sens où la
personne confrontée à la désespérance, croit contre toute espérance. Elle ne se
laisse pas abattre face à tous les signes de désespérance pointant le nez. Elle
croit en l’inouï, en l’inattendu, l’inconcevable. Cette capacité implacable,
inaltérable, surgit de son fond intérieur qu’elle ne soupçonne guère en temps
normal. L’épreuve lui fait découvrir le trésor qu’elle recèle en elle-même et
qu’elle est elle-même. Dieu est là, qui l’appelle. (« La gloire de Dieu, c’est
de vous l’homme debout. », Irénée de Lyon.)
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On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux
qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils
trouvaient une sécurité qu’ils prennent faussement pour de l’espérance.
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Le petit
moi conscient ne vise que sa survie, sa sécurité, son bien-être. Pour ce faire,
il se fiche pas mal de ce qui est bien ou mal, pourvu que le moyen utilisé
serve ses intérêts. Toutefois, le malheur, l’épreuve, que le moi conscient ne
parvient pas à surmonter afin de rétablir son équilibre fragilisé, contraint le
petit moi à se remettre en question, à critiquer, évaluer sérieusement, les
solutions qui lui sont proposées pour sortir de sa noirceur. Les tentations du
Christ au désert soumises par l’Adversaire sont de cette nature. Le Christ les
a toutes rejetées.
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L’espérance est un risque à courir, c’est même le risque des
risques.
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Le risque
que comporte l’espérance, c’est de risquer d’être soi-même. Cesser de s’en
remettre à l’opinion générale, au détestable et pitoyable : « Fais-le donc,
tout le monde le fait ! »
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L’espérance est la plus grande et la plus difficile victoire
qu’un homme puisse remporter sur son âme.
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Mon âme,
c’est mon être profond, ce que je suis vraiment, en toute réalité. Le
psychologue suisse Carl Gustav Jung le désigne par le mot Soi (das Selbst),
que le psychologue italien Roberto Assagioli a qualifié pour sa part comme
étant le Soi transpersonnel. Transpersonnel au sens où le Soi est au-delà
du moi conscient de la personne. Le Soi fait partie de l’inconscient collectif
de tout être humain tout en étant relié à notre moi conscient personnel. Citons
Assagioli :
« Il est
important de se souvenir de cette distinction [entre le moi personnel conscient
et le Soi transpersonnel] parce que ce sentiment de permanence, de stabilité,
est transmis, bien que de façon atténuée, voilée, du Soi transpersonnel à son
reflet, le moi conscient personnel. C’est lui qui donne le sentiment de
permanence, d’identité personnelle, à travers tous les changements de la
conscience. Bien que nous nous identifiions successivement à nos différents
rôles, à nos différentes sous-personnalités, et aux sentiments variés qui
occupent le champ de notre conscience, chacun sait, au fond de lui, qu’il est
toujours le même… Ainsi, la caractéristique essentielle de la conscience de soi
est la continuité, la permanence ; mais cette permanence du moi conscient
n’est qu’un pâle reflet de l’essence pérenne et immortelle du Moi spirituel, du
Soi transpersonnel. »[1]
La force divine, surhumaine,
transcendante permettant de croire contre toute espérance, tout désespoir,
c’est la force du Soi, de l’Être profond que nous sommes et qui fut créé par
Dieu. Au fond, Dieu parle à notre moi conscient personnel par l’intermédiaire
du Soi.
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On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix
de grands efforts.
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La vérité
n’est pas quelque chose que nous découvrons par les seules lumières de notre
intelligence. La vérité est là, avant que nous la découvrions. Elle-même, au
travers du Soi, elle stimule, titille, notre intelligence. À son sujet, le
Christ dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » (Jean
14,6) La vérité est donc une personne, Jésus Christ. Imiter Jésus, c’est imiter
la vérité. C’est incarné le Soi. Le Christ est l’exemple paradigmatique du Soi.
Devenir Soi, c’est faire la vérité sur soi-même. Plus nous faisons la vérité
sur qui nous sommes, plus grandit et se raffermit notre espérance.
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Pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du
désespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore.
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Le
désespoir constitue une perte, une perturbation de notre identité personnelle
profonde. Le contact avec le Soi est brouillé. Le désespoir nous interpelle à
retourner vers Soi-même. Ne dénigrons jamais le désespoir. Comme dit Job :
« Si nous remercions Dieu du bonheur qu’il nous donne ; pourquoi ne le
remercions-nous pas également pour le malheur ? » (Job 2,10). L’espérance
est la vertu du Soi que le moi conscient doit intégré.

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