Dieu me parle-t-il ?
Une émission de KTO, dans le cadre
de la série La foi prise au mot, animée par Régis Burnet, pose une question plus difficile qu’elle ne paraît : Dieu me parle-t-il ?
J’aimerais ici y apporter mon grain de sel.
Ma réponse est ambivalente :
oui et non. Oui, en un sens Dieu nous « parle », mais en un sens métaphorique
et non littéral. Dieu est essentiellement créateur. Non seulement du monde,
mais aussi et surtout du sens. Or, pour nous êtres humains, le sens
passe par le langage. Pas Dieu. Car pour Dieu, le sens passe par la création : l’innovation, l’inouï, l’inédit.
Qui dit sens, dit en effet
direction, but, projet, promesse, etc. En christianisme, il s’agit évidemment
du Christ, Lumière du monde qui éclaire – donne sens – à nos
existences. Verbe de Dieu, il crée du nouveau, donc de la vie, afin de libérer
l’homme de sa servitude.
Quant à l’expression « Parole de
Dieu », il faut être prudent en ne prenant pas cette expression au sens
littéral : Dieu littéralement ne « parle » pas ; il va sans dire, puisqu'il n’a pas comme
nous l’organe de la parole.
À cet égard, il faut savoir qu’au plan étymologique l’expression « Parole de Dieu » vient des premières communautés chrétiennes qui forgèrent l’expression. Le mot français parole, se rattache à la racine latine « parabola », du grec parabôlè, qui fut réduit à paraula, paraularer, ce qui fini par donner notre mot français parole et le verbe parler. Cela n'est pas rien, au contraire.
La racine étymologique du mot parole
renvoie donc, du moins au départ chez les premières communautés chrétiennes, aux paroles
du Christ, c’est-à-dire, plus précisément, aux fameuses paraboles de
Jésus dans son enseignement évangélique. Une parabole est un récit imagé destiné à suscité
l’imagination afin de faire passer l’enseignement du Christ. Par exemple, Jésus
aurait pu simplement parler de sa relation avec le Seigneur, le Dieu d’Israël,
mais cela n’aurait eu que peu d'impact chez le peuple juif. Jésus évoqua sa
relation filiale avec son « Père » dans les cieux. Dieu comme « père » a énormément
plus de résonnance que le Seigneur, Yahvé, dans son ciel abstrait, loin de nous. Il va de soi qu’il s’agit d’une
métaphore. Toutefois, les gens purent comprendre que Jésus est le « Fils » de
Dieu, et que nous tous sommes ses « Enfants ». Par cette percutante métaphore,
Jésus pu communiquer l’essence, la nature de Dieu, à savoir un père aimant, bienveillant, comme l'est un bon papa. Comme le dira par la suite saint Jean : « Dieu est amour [en grec,
agapè]. » (1 Jean 4,8), tel un père qui aime et veille sur ses enfants.
Que Dieu soit Père, donc, exprime
une « Parole de Dieu ». Aisément, nous saisissons la nature de Dieu, le sens,
si l’on veut, de Dieu. C’est ainsi que par cette métaphore de Dieu comme Père,
Jésus parvient à éviter des discours théologiques abstraits qui, au fond, ne
veulent rien dire. Donner sens à l’aide de métaphores, par le moyen de paraboles, concernant Dieu et le Royaume des cieux, c’est faire du sens, c’est donner sens. C’est
cela la Bonne Nouvelle des évangiles. Ainsi, lorsque je fais sens de ma relation avec Dieu,
voir avec Jésus Christ, je saisis une « Parole de Dieu » ; je fais sens
pour ainsi de dire de Dieu, de son action, de sa volonté en relation avec moi. On ne peut donc séparer
la « Parole de Dieu » du sens ainsi engendré.
En fait, la « Parole de Dieu » s’inscrit
dans le langage des symboles, le langage symbolique. Considérons par exemple le
drapeau du Québec.
Il s’agit d’une image remplie de symboles. Est-ce que l’image parle ? Non, pas vraiment. Certes, l’image « parle », fait du sens, dans la mesure où je puis décoder la signification des symboles qui y apparaissent : la croix, les fleurs de lys, le fond bleu, etc. La croix, c’est simple : il s’agit de la religion chrétienne. Le lys, la langue française. Le fond bleu, le ciel, la demeure de Dieu et celle qui nous attend après notre mort, lors de la Résurrection. Ce n’est qu’en comprenant les symboles que nous comprenons la ‘parole’ - le sens - que le drapeau nous adresse.
Même chose avec les textes bibliques
et évangéliques. Prenons la fameuse parabole du semeur. Tout le monde la connaît, mais
bon nombre n’en saisissent pas le sens. C’est pourquoi Jésus termine la parabole
en disant : Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende !
Puis, à la demande de ses disciples qui n'en saisissent pas le sens et qui souhaitent la comprendre, Jésus leur explique que la parabole en
question concerne la Parole de Dieu symbolisée ici par
la métaphore de la semence. En somme, la parabole porte sur notre
capacité à saisir la « Parole de Dieu », c’est-à-dire son sens, en
comprenant les symboles utilisés. Jésus ne peut pas tout faire pour nous :
à la fois rendre compréhensif son enseignement à l’aide de métaphores
susceptibles d’en faciliter la compréhension, et expliquer le sens que ces
métaphores reçoivent. C’est à nous de fournir un effort afin de saisir le sens
des images utilisées.
Est-ce que Dieu me parle ?
Oui, lorsque je suis en mesure de saisir le sens des symboles et des métaphores
utilisés.

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